Je,
Je ne parle jamais. Je me suis murée dans mon mutisme il y a quelques années de ça. Je ne suis pas une fille facile à vivre, je suis même légèrement sociopathe je pense. Ma vie n'est qu'un long enchainement de meurtres, de sang, de douleur. Je sèmes le mal comme un ange noir sur mon chemin. Et le pire dans tout cela ? C'est que ça ne me fais rien. Pas le moindre remord, pas la moindre peine. J'ai été éduquée pour tuer, alors je tue. Qu'importe le prix à payer, j'accomplis ma tâche, et je l'accomplis bien. Je me dois de faire ce pour quoi je suis née. C'est mon destin. Ce serait mentir que de dire que je n'ai jamais eu l'idée de fuir ma vie, mais je ne l'ai pas fait. Je suis méchante, froide, sans scrupule, et certains prétendent que j'ai sombré dans la folie furieuse. C'est peut être vrai, je n'en sais rien. De toute façon ça ne m'intéresse pas. Parler de mes sentiments ou de mes ressentiments ce n'est pas ma tasse de thé. Je me contente de vivre, et d'ôter la vie des autres. Parfois je me dis que je ne vaux pas mieux qu'eux mais finalement je me dis que si. De toute façon, je suis prisonnière de mon propre jeu. C'est un cercle vicieux. C'est le règne animal. Si je ne tue pas, je me fais tuer. Alors je préserve ma vie. J'appelle ça la survie animale. Je suis un animal, et j'agis comme tel. Voilà ce qu'est ma vie.

Tu,
Tu es une âme égarée, tu cherches encore ta voie au milieu des autres. Ton chemin est pourtant tout tracé.. Tu erres à travers cette maison en espérant trouver un échappatoire mais tu te rends compte que tu es condamnée à rester ici, à suivre la voie que tes ancêtres ont tracé pour toi. Tu es jeune, fragile, frêle et pourtant si déterminée à briser les règles imposées. Mais tu te rends bientôt compte que tous tes efforts sont vains, que tu ne peux pas lutter, que tu n'es pas de taille. Alors tu t'abandonnes à la vie, tu t'abandonnes à la cruauté, au délit, à la violence, au sang, à la sueur. Tu rentres dans la salle d'entraînements, tu y passes tes journées, tu en ressort couverte de bleus mais tu continue. Tu recommences jour après jour, sans en être lassée. Peu à peu tu grandis, tu deviens plus forte. La jeune fille frêle que tu étais a disparu pour laisser place à une grande jeune femme brune aux yeux bleus océans et au cœur aussi froid et dur qu'une pierre glacée. Où est donc passée ta vitalité, tes rêves de liberté ? Ils ont disparus, tu es devenue comme tous les autres, tu t'es finalement lassée de te débattre. Tu es devenue une autre hunter, une bête assoiffée de sang au même titre que ceux que tu pourchasse. Tu ne peux plus vivre sans tuer, sans verser le sang sur l'asphalte, tu ne respires plus que pour sentir une odeur de combat, ton cœur ne bat plus que pour chasser. Tu n'es plus que l'ombre de toi même, tu n'es plus que l'ange de la mort qui plane au dessus des vampires que tu pourchasse. Et tu continue, tu montes peu à peu les échelons, tu deviens encore plus féroce, plus froide, plus insensible que jamais. Tu te fais une place dans le monde des chasseurs en même temps que ton cœur devient de moins en moins humain. Alors tu compenses, tu dois te trouver une autre raison de vivre. Tu te questionnes. Est-ce bien de faire ce que tu fais ? Est-ce vraiment nécessaire ? Méritent-ils cela ? Mais tu te raisonnes vite. Il te suffit de jeter un coup d'œil aux journaux, aux faits, aux meurtres et tu te rends compte que c'est ce qu'il faut faire, que tu es dans le bon chemin. Alors tu t'enfonces peu à peu dans les ténèbres de la vie, dans les eaux nébuleuses de ta propre existence. Tu fumes, tu bois, tu tues, tu détruis. Tu te détruis et tu détruis le monde qui t'entoure. Tu n'as aucun ami, tu n'en as pas besoin. Et quand bien même tu en aurais, tu aurais trop peur de les détruire comme tu te détruis. Alors tu te perds, tu ne sais plus qui tu es. Tu es l'âme égarée de ta vie, l'ombre de ta propre existence, le corps sans vie qui te maintient sur terre. Tu es une tueuse, un monstre fait de chair et de sang, dépourvue de cœur. Tu es une hunter.

Elle,
La jeune fille déambulait à travers la ville, une cigarette à la main, une épée en bandoulière. Ses pas résonnaient sur les pavés froids de la ville plongée dans les ténèbres de la nuit. La nuit, leur repère, leur territoire. Les rues désertes s'offraient à elle telles des tapis noirs qui semblaient lui indiquer le chemin. Mais elle n'avait pas besoin d'indication. Elle pouvait sentir le goût du sang, humer l'odeur de la chair, entendre la mort approcher. Alors elle hâta le pas, à la limite entre le pas et la course. Elle aspirait sa fumée de cigarette de plus en plus rapidement et lâcha finalement le mégot qui tomba sans un bruit sur l'un des pavés de la ville. La brune finit le trajet en courant, ses longs cheveux bruns attachés en deux tresses balayant sa nuque au gré du vent. Enfin elle arriva. L'odeur du sang la prit au cœur mais elle ne fit pas un geste qui pouvait montrer qu'elle était écœurée. Elle se tenait droite comme un i, en face du spectacle affligeant – mais pourtant habituel – qui se déroulait sous ses yeux. Une créature innommable, crasseuse à souhait, avec de longs cheveux blonds tombant sur ses yeux bleus salis et rougis, où brillait une lueur démente tenait entre ses mains tremblantes une jeune fille. Lorsque la brune avança d'un pas, la créature releva alors la tête, dévoilant une bouche aux longues dents blanches d'où s'écoulaient deux longues trainées de sang rouge. La brune posa sa main sur son épée et la tira sans quitter le vampire des yeux. « Tu en as mis du temps, pour venir me chercher. » Sa voix résonnait dans la rue déserte et semblait démente, folle, destructrice. Cette chose qui avait été un homme n'avait plus rien à perdre et risquerait le tout pour le tout pour sauver sa misérable petite peau. Le Level E lança la jeune fille qu'il tenait entre ses bras sur la côté et se releva, essuyant le sang qui coulait de sa bouche. « Tu aurais pu la sauver, je penses qu'il est trop tard à présent. Sauf si tu veux la terminer, je t'en ai laissé un petit peu, chasseuse. » La créature éclata d'un rire dément qui se répercuta sur les maisonnées. « Je ne suis pas comme toi monstre. Moi je n'ai pas besoin de tuer pour assouvir des pulsions bestiales. » Le sourire du vampire se dissipa aussi vite qu'il était apparu sur ses lèvres et soudain, il chargea la jeune femme. Mais cette dernière était prête et elle se décala d'un pas, laissant le vampire griffer l'air. La créature se retourna, ses yeux aussi rouge que le sang qui coulait sur son menton et chargea une nouvelle fois en poussant un hurlement de rage. Et ce fut finit. Le cri de la créature s'étouffa dans sa gorge tandis que l'épée de la jeune femme lui transperçait les entrailles. Ses yeux tournèrent dans leurs orbites et enfin, il éclata en un million de petites poussières. Restant immobile quelques secondes devant le tas de poussière qui se dissipait sous le vent glacial, la jeune femme tourna les talons et alla voir la jeune victime, toujours étendue sur le sol. Elle ne respirait plus. « Encore une victime de la folie de ces bêtes. » Alors la brune essuya le sang sur son épée, la rangea, et prit la pauvre femme dans ses bras. Une autre victime, un autre meurtre, et la vie continuait son cours.

Nous,
Nous étions beaux, nous étions forts, nous étions idiots. Nous sommes les marginaux de notre espèces, nous sommes ceux qu'on évite, ceux qu'il ne faut surtout pas fréquenter. Nous tuons ceux qui vous tue, nous tuons nos ennemis. Nous autre hunters sommes les messagers de l'ange de la mort, le salut de cette terre, les sauveurs de notre espèce. Nous protégeons par le sang et la violence, purifions par la souffrance et la douleur; reconstruisons dans la destruction. Nous étions deux lors de cette quête. Deux hunters avec une soif de sang, un esprit qui réclamait vengeance. Nous étions dans la forêt en pleine nuit. Deux hunters dans leurs terres, deux proies faciles pour ces prédateurs redoutables. Nous étions stupides de penser que nous allions gagner cette bataille mais nous y allions avec l'assurance de repartir ensemble, et en entier. Nous nous étions engouffré entre les cimes hautes des arbres de cette forêt dense, l'oreille à l'affût. Seul le bruit de nos pas sur le sol nous parvenait aux oreilles, ainsi que le léger soufflement du vent. Nous nous sommes arrêtés pour observer les alentours, pour tendre l'oreille. Et c'est là que nous l'avons entendu. C'était le glas de la mort, le signal de la défaite, le carillon de la souffrance. Deux secondes plus tard nous étions assaillis par trois vampires en manque flagrant de sang humain. Tous des dégénérés, tous des Level E. Notre proie, ceux que nous traquions depuis une semaine déjà. Ils avaient fait tant de dégâts sur leur passage. Nous étions encerclés, leurs griffes se rapprochaient de nos têtes. Nous avons sorti nos armes et nous nous sommes lancés dans la bagarre. Nos lames tranchaient, leurs griffes coupaient. Nos balles pénétraient dans leurs chaires, leurs dents mordaient la notre. Nous étions à bout de force. Nous ne voyions pas l'issue de cette bataille. Nos armes en avaient tué deux, il n'en restait plus qu'un, mais sans aucun doute le plus redoutable. Nos dos se cognèrent, nos jambes cédèrent. Il n'attendit pas plus longtemps. Et pendant que nous étions à terre, le vampire se précipita sur l'un de nous. Et il le mordit. Son hurlement déchira l'air et les oiseaux s'envolèrent. C'est alors que le nous se transforma en je, et que le il se transforma en ils. Je me levais, récupérant mon arme. Mon coeur battait plus vite qu'à la normale et je les voyaient en face de moi, prêts à sauter sur moi. Alors, sans penser à l'identité de l'un d'entre eux, je levais mon arme et dans un dernier cri, je me lançais à l'assaut. Ma lame fendit l'air, je ne voyais même pas ce que je faisais. J'entendais leurs cris de douleur, je continuais. Et enfin, ce fut fini. Les cris disparurent dans les ténèbres et il ne resta plus rien. Plus aucune trace d'une quelconque guerre. Je me penchais vers le sol et vomissais sur le sol en repensant à ce que je venais de faire. C'est alors que je vis un éclat argent non loin de moi. Je me levais et alla récupérer l'objet tombé au cours de la bagarre. Un pistolet que je connaissais bien, froid comme mon cœur. Je le ramassais et le mettais dans ma poche. Cette nuit, le nous s'est transformé en je, et le lui s'est perdu dans mes souvenirs.

Vous,
Vous autre vampires pensez que nous ne sommes pas de taille à lutter contre vous. Vous vous trompez. Nous sommes là pour faire régner l'ordre, pour accomplir la tâche qui devait vous revenir à la base. Vos soldats, vos humains transformés en vampires, c'est nous qui les tuons. Vous ne remplissez pas vos obligations, vous vous contentez de mordre de plus en plus d'humains pour votre bon plaisir. Vous êtes répugnants, vous êtes la pourriture de ce monde, la graine malsaine qui le fera mourir. Vous êtes comme un poison qui s'immisce peu à peu dans les veines de notre société. Vous ne serez jamais nos alliés. Vous ferez toujours semblant car vous êtes doués pour jouer la comédie, mais vous l'êtes moins pour assumer vos responsabilités. Alors nous devons être là nous autre, à réparer vos erreurs, à veiller sur vos créatures. Et tout ça pour quoi ? Vos remerciements ? Non, loin de là. Vous ne nous êtes même pas reconnaissants, alors que nous risquons notre vie à cause de vous. Voilà pourquoi vous êtes haïs et craints. Mais ne croyez pas vous en sortir aussi facilement. Un jour votre heure sonnera. Un jour vous devrez payer pour tout ce que vous avez fait. Et ce jour là, je serais dans les rangs de vos exterminateurs.

Ils,
Ils étaient tous réunis autour d'une table ronde en bois verni. Ils semblaient attendre quelque chose, ou quelqu'un peut être. La porte s'ouvrit brusquement laissant apparaître une jeune femme à la chevelure aussi brune que la nuit, qui pénétra dans la salle en refermant la porte derrière elle. L'arrivée de la jeune femme fut ponctuée d'une forte odeur de tabac froid et d'alcool. Enfin, elle alla s'assoir sous le regard inquisiteur des autres. Ils commencèrent alors à parler. « Vous savez sans doute pourquoi nous sommes réunis ici. Le taux d'attaque des E monte en flèche. » Ils retinrent tous leur souffle, à la fois effrayés et avides d'entendre la suite. Seule la jeune femme dernière arrivée ne semblait pas prendre parti à l'ambiance générale. « Nous devons agir, ou le secret des vampires sera révélé aux humains. » Ils ne savaient pas quoi dire. Comment pouvaient-ils faire quelque chose ? « Et que devons nous faire ? » Tous attendirent la réponse, avides de savoir. « Nous devons renforcer nos efforts. Travailler plus, traquer, tuer, éliminer tous ces levels E ! » Ils ne parlèrent plus. Seule leur respiration brisait le lourd silence de la pièce. Puis soudain, le bruit d'un briquet fit disparaître le silence. Ils se tournèrent tous vers la jeune brune qui venait d'allumer une énième cigarette, apparemment indifférente aux propos des autres. Elle leva ses yeux bleus profonds vers les autres, et un léger sourire apparut sur ses lèvres. Ils prirent peur. Ce sourire était toujours annonciateur de malheurs sur le visage de cette femme. Ils ne pouvaient pas la lâcher des yeux tandis qu'elle prenait une seconde taffe de sa cigarette, ses yeux toujours posés sur l'assemblée. Puis enfin, ils brisèrent le silence. « Vous avez bien compris ? L'avenir de notre espèce est entre nos mains, nous nous devons d'agir en toute discrétion et en toute efficacité. » Ils acquiescèrent tous, à l'exception de la brune. Tout ce qui se passait semblait bien loin de ses occupations personnelles, même si ils savaient qu'elle brûlait d'envie d'en finir avec les vampires. Relâchant la fumée par la bouche, elle prononça enfin une phrase. Une seule, quelques mots qui tranchèrent l'air par la froideur de cette voix rauque. « Aucun problème. Si c'est tout, je crois que nous pouvons y aller maintenant » Ils se tournèrent tous vers leur chef. Ce dernier fixait la brune de ses prunelles vertes, mais aucun signe de colère ne se peignait sur son visage. « Oui Esmée, tu peux partir. Et n'oublies pas, traque les. » La brune se leva, la fumée la suivant. Lorsqu'elle arriva à la porte, elle hésita un instant puis se retourna. « C'est dans mes habitudes » Et elle sortit. Ils se regardèrent tous. Et tous pensaient la même chose. Pauvre âme égarée.