Vous êtes vous déjà demandé si votre existence n'était pas vaine ? Bien que vous êtes entouré, ne vous êtes-vous jamais posé la fameuse question du : « et si je n'étais pas là, qu'est-ce que cela changerait ? » Eileen se l'est bien entendu posée, à plusieurs reprises. Mais aux moments où cette fameuse question lui trottait dans l'esprit, elle avait mystérieusement les réponses qu'il lui fallait pour pouvoir avancer. Optimisme à toute épreuve, espoir, elle les a abandonné il y a bien longtemps; seul son courage et sa force de caractère restaient maîtres en son sein.
tout est bien ...
Eileen était née dix-sept ans auparavant en Irlande, près de Cork. Très vite, les premiers mots de l'enfant se firent entendre et la petite blonde commençait à faire son bonhomme de chemin, alignant ses pas, les uns derrière les autres.
Mais ils ne profitèrent pas de cette grande ville très longtemps, son père s'étant fait muté dans le Wexford, à Gaeil. C'est dans cette autre cité que les Hadens se mirent à compléter leur vie, calmement, paisiblement. Ce cocon familial, Eileen l'aimait, plus que tout. Pour elle, aller chercher du pain, prendre un repas ensemble, se promener dans le parc, toutes ces activités - bien qu'elle paraissent les plus simples du monde - la rendaient heureuse, elle ne souhaitait rien d'autre de plus. L'ignorance demeure la meilleure des solutions.
Ses parents l'inscrivirent à l'Académie où elle prit ses repères relativement rapidement, se faisant quelques amis; Eileen est du genre à attirer l'attention, même si ce n'est aucunement dans ses intentions.
Le peu d'ennemis qu'elle se faisait relevaient du mystère, comment se les était-elle procurés ? Elle n'en savait rien. Comme sur beaucoup d'autres sujets. Plutôt calme et rangée, elle avait ce petit quelque chose qui la poussait à être curieuse, curieuse de savoir et ne souhaitant que braver l'ignorance, Eileen reste néanmoins raisonnable. Mais sa façon d'être courageuse la rendrait presque invincible, d'après elle. Par exemple, si elle voyait un première année en train de se faire violenter par un plus âgé, elle n'hésitera pas à défendre la cause du violenté; peut-être que ces ennemis viennent de telles situations. Elle se dit également avoir une bonne étoile, sans savoir trop pourquoi, ni comment surtout.
... qui s'annonce mal
Quinze ans. L'année d'Eileen qui a changé sa vie, ses habitudes et ses amertumes.
La nuit commençait à tomber que, déjà, Eileen et son père se mirent en tête de préparer le dîner pour la mère qui allait revenir d'un entretien d'embauche. Elle les avait appelé quelques minutes auparavant pour les prévenir, pour leur dire qu'elle avait bienheureusement obtenu le poste qu'elle convoitait tant : ç'allait être la fête chez les Hadens, ce soir ! Le champagne et le saumon étaient de sortie ! Tout était prêt pour, qu'une fois la mère arrivée, on ait plus qu'à s'asseoir et déguster. C'est alors qu'on toqua : le père déboucha la bouteille et Eileen se dépêcha d'aller ouvrir. Alors qu'elle s'attendait à voir sa mère, le sourire aux lèvres, elle tiqua lorsqu'elle vu deux gendarmes, l'air grave. Son père la rejoignit sur le pas de la porte et ils apprirent une terrible nouvelle : on venait de retrouver le troisième membre de cette famille, vidée de son sang dans une ruelle en ville. Aucun des deux ne put dire mot; on venait de leur enlever une partie d'eux-mêmes. Dieu n'avait donc pas un peu de pitié ? Avait-il eu envie de les punir pour tout ce bonheur qu'ils avaient acquis ?
La blonde changea un peu, devint plus mature pour pouvoir s'occuper de son père qui déprimait depuis la mort de son épouse qu'il aimait tant. La fille essayait par tous les moyens de le faire sourire, de le rendre heureux, mais en vain; elle l'empêcha plusieurs fois de « rejoindre son amour au ciel, » comme il le disait si bien, debout sur un tabouret, une corde au cou. Globalement, Eileen aurait pu trouver ce désespoir romantique et compréhensible, mais seulement dans des livres. Lorsque son père est la personne qui est celui qui souhaite se faire sauter la cervelle pour être en paix, tout prend un sens différent. Pas un jour ne passait sans qu'Eileen, depuis l'Académie, se demande si son père n'avait pas fait le grand saut en son absence. Torturée, elle ne pouvait rien faire de sa place. Mais, il faut croire que c'est bien l'amour de sa fille qui a sauvé le père, qui lui a enlevé l'idée de la laisser. «
Ta mère aurait voulu que je t'élève et non pas que je t'abandonne, je suis désolé, Eileen. » Miracle, peut-être. Mais cette nouvelle détermination resserra leur lien et voilà qu'ils essayaient d'aller de l'avant. Ils arrivaient à sourire, sans oublier la douleur, mais ils y parvenaient désormais. Eileen savait que c'était le meilleur moyen, la meilleure méthode à employer. Ils regardaient des comédies, mangeaient du pop-corn dans ce canapé trois places, dormaient dans un lit trop grand pour eux mais pourtant, ils faisaient leur deuil. Ils pouvaient le faire, en sa mémoire.
«
Pourquoi devrais-je exister ? » Elle savait à présent qu'elle n'existait pas seule, pas seulement pour sa défunte mère, mais qu'elle existait aussi pour son père.
rencontrés
Quelques temps après la disparition de sa mère, Eileen allait mieux, reprenait goût à la vie mais toujours blessée. Elle avait préféré garder le secret dans son cercle d'amis, évitant ainsi les questions gênantes et désobligeantes de certains.
Un soir, elle errait dans la ville, après être passée au supermarché, acheter du pain pour le dîner. L'ombre, bien que pas très rassurante, était comme un moyen de la cacher du regard des autres qu'elle fuyait depuis quelques temps; elle la préférait nettement à la lumière des lampadaires qui l'éclairaient bien trop à son goût. La nuit commençait à tomber et elle leva machinalement la tête vers le ciel, laissant les de légères larmes rouler le long de ses joues. De ses mains, elle s'essuya le visage et remit son écharpe en place, pressant le pas pour rentrer. Mais en route, elle fit tomber ses clés et s'arrêta pour les ramasser - ce qui est naturel. Elle tourna la tête et vit une ruelle. Non, c'est autre chose qu'elle aperçut, ou plutôt quelqu'un.
Elle le vit pour la première fois. Leur première rencontre. Leur premier instant. Il était là, recroquevillé dans un coin, sale mais pas effrayant. Elle n'en eut mystérieusement pas peur, et déjà, elle s'approchait de lui à pas de velours. Il semblait perdu, vide. Eileen aurait très bien pu partir en le voyant frapper sur le sol, le prendre pour un fou; mais non, elle resta là, attendant qu'il se calme. Comme elle l'avait fait. Il avait sûrement perdu quelque chose de précieux, alors elle le comprit et posa une main sur son épaule. D'un geste brusque, il lui attrape son bras. Il se relève, se détache et surprend Eileen qui recule par la même occasion. Elle lui sourit finalement, le regarde dans toute sa grandeur, le trouvant bien mieux ainsi redressé. Elle lui fit un bref signe de tête et s'éloigne, repend son chemin. Une fois sortie de la ruelle, elle court. Du mieux qu'elle peut, elle se force, force sa faible course et rentre chez elle. «
Mais, je t'en prie, Papa, il était seul, comme nous l'avons été ! » Eileen essayait tant bien que mal de convaincre son père de bien vouloir accueillir le jeune homme chez eux, mais l'idée d'héberger un parfait étranger déplaisait fortement au père qui refusa catégoriquement.
La nuit, Eileen s'échappa par la fenêtre de sa chambre, dans le but d'aller ... pour le retrouver. Elle ne le connaissait pas, n'avait aucune idée de qui il était, de qui il avait pu être. Mais elle ne saurait dire pourquoi elle était si attirée par lui, par ce qu'il dégageait, par ce qu'il avait l'air. Il n'était plus là. Le coin qu'il occupait précédemment était vide de toute présence; enfin, pas pour très longtemps. «
Salut ma belle, qu'est-ce que tu fais dans le coin à cette heure-ci ? » À cet instant, Eileen sut qu'elle s'était mise dans de beaux draps.
Le lendemain, plus rien. Allongée dans son lit, elle se réveillait comme tous les matins, enfilait ses chaussons, se regardait furtivement dans le miroir de sa chambre. Elle ne s'en souvenait plus. Qu'avait-elle fait après être sortie de la maison ? Où était-elle allée ? En réalité, on a effacé cette partie de sa mémoire. Même plus, on l'avait sauvée hier soir, mais elle ne s'en rappelle pas, plus et ne le saura jamais. D'ailleurs, ce n'était pas la première fois, qu'elle se faisait attaquer par un vampire puis sauver par un hunter : à croire qu'elle les attirerait presque.
Eileen ignore ce combat des vampires, des Level E, des hunters et l'existence de la relique. Si jamais on venait à lui en parler, elle écouterait tout en pensait à une simple légende ou encore à un comte pour enfant.
Ce qu'elle n'avait pas oublié, c'était le regard du jeune homme qu'elle avait abordé puis perdu de vue.
résurrection
Elle le revit. Lui. Propre, il dégageait toujours ce truc qu'elle n'arrivait pas à cerner complètement. Assis dans un coin de la classe, elle ne pouvait en détacher les yeux. Eileen attendit qu'on fasse l'appel, qu'elle sache enfin son nom, lui qui envahissait ses nuits. Mais pas un mot, pas un nom. Personne n'y faisait attention, personne ne lui adressait la parole, personne ne l'avait appelé. «
Tu ne peux pas ne pas avoir de nom. Tout le monde a un nom. » Il l'intriguait trop pour qu'elle laisse s'en aller ainsi, il devait y avoir un moyen. Il devait avoir un nom. Il le devrait. Elle avait eu cette idée de lui donner un nom, comme si elle seule pouvait lui faire devenir quelqu'un : elle en avait terriblement envie, incroyablement besoin. «
Halloran. Èimhìn Halloran. »
2011. Eileen a aujourd'hui dix-sept ans et étudie en dernière année dans la Day Class de l'Académie. Elle est tombée amoureuse d'un artiste, Anselme, mais ne lui laisse pas autant de liberté avec elle qu'à Èimhìn. Pourquoi ? Parce qu'Èimhìn ... il n'y a pas de raison vraiment définie, c'est juste qu'elle ... Enfin, voilà. Anselme a, comme qui dirait, 'moins' d'importance qu'Èimhìn (c'est différent) : elle en a besoin, égoïstement, elle en est dépendante. Elle ne souhaitait que l'aider à s'ouvrir au monde, à le voir parler aux autres, à le faire communiquer. Mais pour certaines raisons qui lui sont inconnues, le laisser avec les autres lui ... lui fait peur. À présent, Eileen ne s'imagine pas sans Èimhìn. Lui parler, agrémenter la conversation en racontant tout et n'importe quoi, le regarder manger en silence, l'observer pendant ses moments d'absence, lui sourire sans raison. Sentir ses mains, le toucher, l'effleurer, le sentir, l'apercevoir. L'imaginer loin d'elle est une idée qui répugne Eileen, quelque chose qui la fait trembler, une vision d'horreur. Mais pour le bien d'Èimhìn, garder toutes ses émotions enfouies en elle, lui paraît être la meilleure chose à faire.
« À quoi puis-je bien servir ? » À être aux côtés d'Èimhìn.