J'ai 7 années vampiriques, soit 140 années humaines. Je suis encore tout jeune. Ce que je préfère, c'est le sang, surtout le sang humain. Mais même au delà de ce nectar divin, ce que j'adore, c'est aller rendre visite à ma sœur, Miyuki. On s'entend bien, elle et moi. Cependant, je ne connais pas mes parents, et ma tante change toujours de sujet lorsque je parle d'eux. Mais bon. J'ai ma sœur après tout. Miyuki, elle est très jolie, j'aime beaucoup ses yeux. Et elle a toujours de bonnes idées de jeux. Il y a mon cousin aussi, Daisuke. C'est un gentil garçon, mais ma tante m'a dit que Miyuki et lui étaient promis l'un à l'autre. Je n'étais pas très content, mais je suppose que je dois faire avec. Ma tante est assez angoissée quand elle me voit rigoler avec Miou. Je n'ai jamais compris pourquoi. Une ride apparaît entre ses deux yeux, et sa bouche devint une ligne anxieuse. Je lui dis souvent qu'on dirait une grenouille quand elle fait cette tête, mais elle n'en a rien à faire. En fait... je crois qu'elle a peur que Miou tombe amoureuse de moi. Moi je suis sûre que non. On est frères et sœurs après tout. Même si je suis particulièrement séduisant – même pour un enfant de seulement sept ans.

« MIYUKI-SAMA! ATTENDS MOI! » Elle rigole, et je la rattrape sans grand mal. J'attrape sa main avec bonheur et je lui souris. Ça faisait du bien de la retrouver. Cela faisait déjà plusieurs années (humaines) que je ne l'avais pas vue, et sa présence m'offrait un surplus d'énergie considérable. Comme d'habitude, ma tante nous jeta un regard froid. Mais j'avais maintenant 14 années vampiriques, et j'avais bien assez de cran pour soutenir ce regard d'adulte. Et puis, je n'avais aucune idée derrière la tête. J'étais juste heureux de retrouver ma jeune sœur. Quoi de plus normal ?

« Je peux savoir ce que vous faites ? » Je tournais un regard vers Daisuke. Lui aussi avait bien grandi, et il regardait d'un œil mauvais nos deux mains liées. Je me séparais de Miyuki. « Qu'est-ce qu'il y a Daisuke? Tu es jaloux? » Oh oui. Daisuke était jaloux. C'était dans sa nature après tout. Mais je n'avais pas l'intention de me laisser marcher sur les pieds par le futur mari de ma sœur. « Tu peux profiter de Miou vingt-quatre heure sur vingt-quatre, alors laisse la moi au moins quand je suis là, d'accord ? Je n'ai pas l'intention de te la piquer de toute façon. » Je rigolais narquoisement, toisant Daisuke avec provocation; ce n'était pas la meilleure manière de débuter mes vacances chez ma famille, mais à vrai dire, je n'en avais rien à cirer. Ce n'était pas ce blanc bec qui allait m'impressionner. J'étais moi aussi un Level B, et un Taeko.

Je manquais de mettre en marche mon pouvoir – le contrôle de la peur, qui pouvait faire frémir de terreur n'importe quel grand costaud – mais Miyuki me retint. Elle adressa un sourire plein de tendresse à Daisuke, auquel il répondit de manière trop ostentatoire, ce qui me rendit tremblant de colère. Je détestais qu'il me provoquer de la sorte. J'étais du genre à réagir au quart de tour, quelle que soit la raison. Mais j'étais avec Miou. Et juste pour lui faire plaisir, j'étais prêt à faire fit de mes envies d'adolescent pré-pubère qui cherche la bagarre.

Je vois cette femme si belle qui se jette devant ce level E, et qui déchire le corps de ce hunter. Le sang gicle de toute part, mais une ultime balle vient frapper son corps si gracieux. Elle tombe au sol, dans un silence spectaculaire. J'entends les battements de son cœur qui semblent prêt à s'arrêter. Son cœur ralentit. Il bat une dernière fois, et tout s'éteint, comme les dernières notes d'une musique. J'ai peur. Pour la première fois de ma vie, j'ai peur. J'essaie de la contrôler, cette peur viscérale, mais mon pouvoir ne marche que sur autrui. Je vois le frêle corps de Miyuki qui tremble. Les crises de larmes la soulèvent. Je veux venir vers elle, mais un bras puissant m'en empêche. On me tire en arrière, contre ma volonté, tandis que j'entends les pleurs de ma soeur. Je vois Daisuke qui vient vers elle. Mais je suis son frère ! Je dois l'aider. Mais on m'entraîne, encore, loin d'elle, loin d'eux, loin de ces corps qui m'appellent, loin de ce qui est mon destin. J'ai vu la mort, mais je dois aller vers la vie. Je dois la soutenir, c'est tout ce qui compte.

« Jae... on s'en va. » J'écarquille les yeux. « Je ne peux pas m'en aller à un moment pareil! Laissez moi! » J'observe le visage impassible de mon oncle. Ma tante est à ses côtés. Contrairement à d'habitude, elle n'affiche pas cette mine anxieuse, mais semble renfrognée, et même en colère. Mais je ne peux lutter contre deux aînés et ils m'entraînent dans une voiture sombre. Je ne cesse de me débattre mais mon pouvoir et ma jeune force n'y peuvent rien.

Le voyage fut long. Il me sembla durer des jours. Ma colère destructrice laissa ensuite place à un vide consternant. Je ressenti une brève fracture en moi, comme si mon cœur s'était brisé en deux. Puis il n'y eut plus rien. J'avais oublié jusqu'à la notion de sentiment. Et une fois arrivé au manoir de ma tante, je ne me souvenais plus de rien. Je revenais seulement d'un voyage au japon. Pourquoi étais-je revenu ainsi, en vitesse ? Je l'ignorais. J'ignorais tout.

Les jours suivant, je surpris souvent ma tante en grande conversation avec des interlocuteurs inconnus. Elle semblait hors d'elle. Je ne l'avais jamais vue de la sorte. A la fin d'une de ces conversations, elle vint me voir. « Jae Hwa... Nous partons en Irlande. » Désinvolte, je répondais: « Ah oui ? Pourquoi ça? » « Tu as besoin de changer d'air je crois. » Je haussais les épaules, peu concerné.

Le lendemain, nous partions en Irlande, et j'emménageais dans le pavillon de la lune, bâtiment à part entière de l'académie Cross.

Appuyé contre le tronc d'un arbre, loin de la foule qui s'amassait autour des élèves de la Night Class, j'observais ce cortège. Il n'était pas dur de comprendre qu'ils étaient des vampires. Leurs dents d'ivoire m'étaient clairement pointues, leurs mouvement trop fluides pour de simples humains.

Une sensation désagréable de picotement s'instilla en moi, à la vue d'une jeune japonaise. Mon corps se réchauffa, et je l'observais avec plus d'attention. Elle était très jolie, et la première chose qui me fit sourire furent ses yeux. J'aimais beaucoup l'harmonie qui s'en dégageait. Cependant, une profonde tristesse baignait ces belles prunelles de jais. Elle se retourna vers moi, et je soutenais son regard stoïquement, mais irrémédiablement attiré. Le bras que ce jeune homme à coté d'elle passait autour de ses épaules me disait que je n'aurais pas dû ressentir de telles choses. Mais je ne pouvais m'en empêcher. J'aurais pu me jeter sur lui, pour qu'il la lâche. Cette sensation de possession si puissante me surpris moi même. Pourquoi cette fille avait-elle ce pouvoir d'attraction sur moi ? Je n'étais pourtant pas du genre à me laisser avoir facilement.

Mais les battements de mon cœur s'accéléraient. J'étais ridicule. Et la curiosité qui s'échappait de ses yeux me prouvait qu'elle ressentait la même chose. Je détournais les yeux, partant en direction du pavillon de la lune. Il fallait que je me vêtisse de mon uniforme nacré, avant toute chose. J'essayais d'oublier cette rencontre étonnante le temps que dura ma marche rapide.

Une fois ceci fait, je retournais dans le pavillon des cours, debout sur le pas de la porte. Un professeur m'interpella et me fit entrer à sa suite. Je jetais instantanément un regard sur elle. Elle était toujours à côté de son « ami ». Je ne la quittais pas des yeux. J'en étais tout simplement incapable. Ses pupilles me foudroyaient. Non pas de manière agressives, mais de telle manière à ce que mon attirance ne cesse de redoubler. J'avais envie de la protéger. De m'assurer que ses nuits n'étaient que rêves voluptueux. Qu'elle était heureuse. De savoir que mes bras la rassuraient. Mais ce court instant d'échange visuel pris fin, et je m'asseyais au premier rang de la classe. Je tachais d'être attentif au cours – je n'y arrivais cependant pas.

« Qu'est-ce que tu fais-là? » murmura-t-elle. « La même chose que toi. » repondis-je avec désinvolture. « Quoi, toi aussi tu viens de passer la nuit avec Daisuke? Ah ben dis donc, quelle surprise! J'ignorais qu'il me trompait! » Je souriais légèrement et m'appuyais contre le mur tandis qu'elle fermait la porte. Je l'observais lorsqu'elle avait le dos tourné. Un simple signe de sa tête suffit pour que je lui obéisses et je la suivait docilement jusque dans le salon, où elle s'assit avec soulagement dans un grand fauteuil. Je restais debout, incapable de décider quoi faire, les yeux plantés vers elle. Je voulais juste comprendre ce sentiment de familiarité qui nous liait. Je voulais juste savoir. Elle ferma les yeux, comme luttant contre un désir qui la dépassait, et, soucieux, je m'asseyais sur l'accoudoir de son fauteuil, dans un élan de fraternité. Elle se colla contre le côté opposé du siège et je soupirais. « Tu as peur de moi. »

Elle secoua la tête avec force, avant de se lever trop rapidement, comme pour éviter mon regard. Je me relevais également. Elle jeta un regard vers le soleil camouflé par les nuages, à travers les rideaux, et je venais me rapprocher d'elle. J'avais obstinément besoin que la distance entre nous se réduise. Je respirais silencieusement le parfum agréable qui se dégageait de sa chevelure, tentant de rapprocher cette senteur d'un souvenir. Elle frisonna lorsqu'elle se rendit compte de la faible distance qui nous séparait. « Tu le ressens aussi n'est-ce pas? Ce manque... » Elle hocha la tête, positivement cette fois, et se retourna vers moi. Je voulus lui ouvrir mes bras, mais je me retenais avec difficulté. Qui est-tu? Pourquoi suis-je aussi attaché à toi alors que nous ne nous sommes jamais rencontré? « Qui est-tu? Pourquoi suis-je aussi attaché à toi alors que nous ne nous sommes jamais rencontré? » « Je l'ignore! » De la colère se détachait de mes mots. Je me mis à tourner en rond comme une bête féroce en cage, torturé par ce besoin physique de connaître la vérité. J'avais besoin de savoir ce qui nous rendait si... liés. Je n'en pouvais plus d'attendre cette libération.

Une force extérieure vint stopper ma course contre moi même. Je me retournais avec fébrilité vers Miyuki. Sans réfléchir, j'entourais son visage, si beau visage, de mes mains, et je posais mes lèvres sur les siennes. J'ai tant besoin de toi Miyuki, si tu savais. Tes larmes se mêlent à notre baiser, et soudain, tu brises cette brève étreinte. Je tente d'apaiser tes peurs, mais tu as trop mal pour entendre mon pouvoir qui toque aux portes de ton âme. « C'était... C'était quoi ça? » « Ma... Ma mère... La nuit de sa mort... Et... Tu étais là... Comment? Je... Je ne me souviens pas! » « Je ne me souviens pas de cette nuit. Je ne me souviens de rien... Miyuki... » Je m'approche d'elle à nouveau. Viens près de moi, je t'en supplie! J'ai besoin de te protéger, de sentir ton cœur près du mien ! Mais elle stoppe mon avancée d'un geste et se tient la poitrine, comme si son cœur voulait désespérément en sortir. Je ne comprends pas. Miou... Fais-tu parti de mon passé ?